D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Martin Rauber a toujours passé ses étés à l’alpage. Malgré la dureté des conditions de travail, il aime beaucoup y travailler et se dit content de voir désormais inscrite la saison d’alpage sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Dans le chalet Grosser Tossen, là où la vue sur les Gastlosen est imprenable, il fabrique du Vacherin Fribourgeois AOP depuis 2023 aux côtés de sa femme Ruth.
C’est à 1314 mètres d’altitude, sur les hauteurs du village de Im Fang, que l’on rencontre Martin et Ruth Rauber, attelés à la fabrication des trois Vacherins Fribourgeois AOP du jour : « C’est un véritable travail d’équipe. Je ne pourrais pas le faire sans l’aide de ma femme », nous confie Martin. Cette année, le quota reçu leur permet de produire du Vacherin Fribourgeois AOP tous les matins pendant quarante jours. Le reste de la production laitière de la saison est livré chez Cremo.
Propriété de l’ECAB depuis la fin des années huitante, le chalet d’alpage Grosser Tossen appartenait auparavant à la Paroisse Saint-Nicolas, qui avait reçu ce chalet en don d’un homme de la région. C’est ici que Martin a appris la fabrication de fromage et le travail à l’alpage aux côtés de son père et de son oncle. Fabricant de Vacherin Fribourgeois AOP depuis l’an dernier, Martin avait arrêté la production de fromage d’alpage en 2002 pour se consacrer uniquement à la production laitière qu’il livrait à la Laiterie de Jaun :« J’ai toujours aimé fabriquer du fromage au chalet et l’idée de recommencer me trottait dans la tête depuis longtemps. » Pour la fabrication du Vacherin Fribourgeois AOP, il peut aussi compter sur son fils Natanael qui travaille à la Laiterie de Charmey : « C’est lui qui s’occupe du bain de sel et des cultures ». Ils ont également effectué quelques travaux au chalet, dont l’installation d’un système d’approvisionnement en eau potable. A l’avenir, Martin espère pouvoir fabriquer du fromage durant toute la saison d’alpage. Une fois l’alpage quitté, Martin travaille à la station de ski de la Lenk pendant la saison hivernale ainsi que comme dépanneur agricole le reste de l’année.
Dans la salle de fabrication trône le chaudron acheté par son grand-père dans les années vingt. Encore utilisé aujourd’hui pour la fabrication, il est ressorti intact des flammes ayant
ravagé le chalet d’alpage en août 1935 : « Mon père m’a souvent raconté cette histoire. Il dormait lorsque la foudre a frappé le chalet. Il a couru à l’extérieur et il ne savait plus où il était tellement la fumée était épaisse. Par chance, toutes les personnes présentes ont survécu, ce qui ne fût malheureusement pas le cas des porcs et des chèvres. » Le chalet a été reconstruit l’année d’après.
A l’extérieur, les vaches paissent tranquillement. Martin les loue chaque année à des agriculteurs en plaine. Cette année, ce sont les vaches de trois agriculteurs de Bellegarde, d’un agriculteur de la Singine et d’un agriculteur de la vallée du Simmental qui produisent le lait qui servira à la fabrication du Vacherin Fribourgeois AOP. « Cette saison, la quantité de lait est très élevée mais le lait est plus délicat à cause de la météo pluvieuse. La saison 2023 était vraiment exceptionnelle autant pour la production de lait que pour la fabrication de Vacherin Fribourgeois AOP. Quant à 2022, l’été était tellement sec que les vaches ont dû partir fin août », explique-t-il. Le travail à l’alpage est dur, comme en témoignent notamment les conditions météorologiques toujours plus changeantes. L’inscription par l’UNESCO de la saison d’alpage sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité est donc une bonne chose selon Martin : « Chaque jour, nous effectuons un travail exigeant et je suis content de voir qu’il est reconnu, que notre travail est accepté. C’est important qu’il se perpétue. »